Péril mortel·le
J’ai donc appris que, d’après l’Académie Française, j’ai participé à faire courir un « péril mortel » à la langue française en promouvant « l’écriture dite inclusive », c’est-à-dire des conventions qui font apparaître le féminin à l’écrit 😱
Chère Académie Française, on est d’accord, les points médians de l’écriture épicène, c’est moche, plein de gens ne savent pas les faire sur leur clavier (sur Mac, c’est ⎇⇧F), et c’est un problème (quoique moins que les points).
Mais le vrai problème, c’est pas tant que ça soit moche, ni même que tu fasses de grandes envolées lyriques pour un usage qui ne concerne quand même pas grand monde pour le moment. Non, le vrai problème, c’est que pour toi, « on voit mal quel est l’objectif poursuivi ». Du coup, je vais t’expliquer.
L’objectif est simple : c’est d’arrêter d’invisibiliser la place des femmes dans la société. C’est de se poser la question d’à quel point une langue dans laquelle « le masculin l’emporte » est en partie responsable d’une société dans laquelle le masculin l’emporte (réponse : probablement).
Alors, oui, chère Académie Française, trouvons mieux que les points médians, mieux que les « ielles » et les « celleux ». Mais apparemment, après avoir pris le temps de réunir tous tes membres pour prendre une décision à l’unanimité puis d’écrire un billet à la Cassandre sur le sujet, tu n’as pas pu trouver dix minutes pour donner quelques suggestions. Du coup, je vais le faire pour toi.
Pour avoir une écriture épicène sans recourir à des déformations orthographiques, il suffit de changer ses habitudes grammaticales.
Prenons l’exemple de la phrase « Les utilisateurs de l’écriture inclusive compliquent la tâche des lecteurs. » En version #PérilMortel, ça donne : « Les utilisateur·trice·s de l’écriture inclusive compliquent la tâche des lecteur·trice·s. ». Je ne vais pas ergoter, c’est vilain. Alors, quoi faire ?
- On peut écrire à l’actif en utilisant des termes génériques (épicènes) tels que « personne » ou « gens » : « Les personnes qui utilisent l’écriture inclusive compliquent la tâche des gens qui les lisent. »
- On peut énumérer les formulations féminines et masculines : « Les utilisatrices et utilisateurs de l’écriture inclusive compliquent la tâche des lectrices et des lecteurs. »
- On peut écrire à l’infinitif : « Écrire de manière inclusive complique la lecture. »
- Ou on peut écrire un billet mettant en garde le monde que les générations à venir ne pourront plus grandir en intimité avec notre patrimoine écrit. C’est selon.
Alors, qu’est-ce qu’on a gagné ? Une phrase où on n’a pas l’impression que les seules personnes qui agissent sont des hommes. Est-ce que ça ne mérite pas une petite reformulation ? 🙂
EDIT 03/01/2019 : si vous utilisez le point médian, utilisez un point d’hyphénation 🙂 👇