Point médian final : point d’hyphénation ‧

Matti Schneider (FR)
8 min readJan 2, 2019

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L’écriture inclusive, c’est bien, l’écriture épicène, c’est mieux. Des fois pourtant, on est coincé‧e et le point médian est le plus adapté pour avoir un texte lisible qui fait apparaître le féminin à l’écrit. Dans ces cas-là, quel caractère utiliser pour maximiser lisibilité et accessibilité numérique ?
Et surtout, comment l’utiliser facilement ?

« Les choses importantes sont celles qui ne semblent pas l’être » et femme soufflant des lettres, fresque murale, Barcelone, 2016

Disclaimer : quand (ne pas) utiliser le point médian

Préalable à cet article : je suppose que vous considérez que faire apparaître le féminin à l’écrit a un effet systémique utile dans le démantèlement du patriarcat, mais que la lisibilité des textes résultants prévaut sur l’affichage politique. Si ça n’est pas clair, lisez l’article en lien ci-dessous avant celui-ci 🙂 Si vous n’êtes pas d’accord après lecture, ne perdez pas de temps ici 😙

Ce sujet a déjà été creusé l’an dernier par Sylvie Duchateau dans Écriture inclusive et accessibilité et Romy Duhem-Verdière dans Faisons le point.
Vous trouverez dans ces articles une analyse poussée des alternatives, y compris des néologismes. Ici, je me focalise sur le choix du marqueur, du caractère utilisé pour séparer les suffixes masculins et féminins. Il ne s’agit aucunement d’une recommandation de l’utiliser systématiquement, les trois articles cités ci-dessus s’accordent sur cette conclusion :

Afin que tout le monde comprenne le texte, il vaudrait donc mieux tout écrire, comme « lectrices et lecteurs ». Si ce n’est pas faisable, il est possible d’utiliser le point médian, sans en abuser.

Les soucis

De nombreux marqueurs d’écriture inclusive sont utilisés à l’écrit. Le terme « point médian » s’est répandu mais même lui est souvent mal compris, avec une utilisation de la puce (•) plutôt que du point médian (·). Le plus souvent, ceci dit, on va trouver le point (.) ou encore le tiret (-), voire parfois le slash (ou barre oblique en français, /).

Cette diversité de forme n’aide pas à normaliser l’usage de l’écriture inclusive, car chaque changement demande une petite adaptation cognitive qui peut agacer. Mais elle complique également la tâche des logiciels qui pourraient s’adapter à cette forme d’écriture, par exemple dans l’indexation, la traduction, l’aide à la rédaction ou encore la vocalisation des mots.

Démonstration

Très concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? Dans la phrase suivante, essayez de double-cliquer (sur un appareil à interface tactile, appuyez longuement) sur le « Merci », puis sur le « tou•te•s » :
Merci à tou•te•s les contributeur•trices qui sont venu•e•s.
Vous avez remarqué comme le double clic sur le premier mot l’a sélectionné intégralement, mais comme l’autre sélection n’a surligné qu’un sous-ensemble du mot ? C’est que pour votre appareil, la puce (•) est un marqueur de séparation de mot. Cela signifie que pour la majorité des logiciels, « tou•te•s » n’est pas un mot mais trois. Et franchement, avec un marqueur aussi présent graphiquement, pour mon cerveau aussi ça demande un petit effort d’en voir un seul.

S’il y a trois mots et non un seul, cela implique que je ne pourrai jamais faire apprendre « tou•te•s » à mon dictionnaire, et que mon appareil me l’indiquera donc toujours comme une erreur. Et qu’une personne ayant une déficience visuelle (ou qui utilise la synthèse vocale pour lire ses articles en conduisant son vélo) aura une vocalisation du type « tou teuh èsse », ce qui va rendre mon texte particulièrement complexe à déchiffrer.

Comparaison

Alors, que faire ? J’ai créé un petit outil logiciel qui va nous aider à comparer chacun des marqueurs potentiels de l’écriture inclusive, en nous indiquant comment il se comporte dans plusieurs dimensions : graphiquement, à la sélection, la vocalisation, la traduction automatique…

Comparaison des différents marqueurs d’écriture inclusive

J’ai pour le moment comparé 17 marqueurs, si vous en voyez d’autres à ajouter n’hésitez pas à contribuer directement ou à m’en suggérer. De même si vous voyez d’autres dimensions de comparaison 🙂

Résultat

Je cherche donc un marqueur qui soit peu présent graphiquement : il doit se voir mais pas attirer le regard plus que les caractères alphanumériques. Cela élimine à mon sens le • et le /.

Ensuite, je cherche un caractère qui ne soit pas un séparateur de mots. Il me reste donc trois formes de points médians : ∙, ‧ et ·. Si vous ne voyez pas de différence graphique, ce n’est pas grave, mais il s’agit pourtant de caractères bien distincts d’un point de vue unicode 😉

Parmi ces trois, un seul est ignoré lors de la vocalisation, ce qui permet de lire « toutes » plutôt que « tou teuh esse » et donc d’avoir l’équivalent vocal de ne pas être un séparateur de mots (ce qui apparaît visuellement dans le tableau plus haut avec une durée de vocalisation d’une seconde et non deux).

Notre vainqueur est donc « ‧ » ! Et ce n’est pas à proprement parler un point médian (U+00B7) mais un point d’hyphénation (U+2027).

Notre phrase d’exemple devient donc :
Merci à tou‧te‧s les contributeur‧trices qui sont venu‧e‧s.

Le comportement au double-clic peut encore varier selon les plateformes. Par exemple, sous iOS ou sous Firefox+Linux, les mots sont séparés, mais pas sous macOS ou Chromium… C’est dans tous les cas déjà mieux qu’avec un point médian. Alors allez-y, essayez de double-cliquer et de vocaliser, et indiquez si cela fonctionne pour votre système !

Apostrophes (ajout du 7 avril 2020)

À la suggestion d’Agathe Mametz, j’ai ajouté à la comparaison les apostrophes et leurs variantes (apostrophes typographiques et décoratives).

Le résultat a été très intéressant puisque j’ai découvert une nouvelle vocalisation ! Les apostrophes courbes (’) vont en effet vocaliser explicitement la consonne suivante, mais comme un son et non comme une lettre (« tou teuh sse »).

Cette vocalisation n’est pas franchement souhaitable, car le résultat est encore moins compréhensible que quand la lettre est lue à part entière. Il faudrait donc, en utilisant ce signe, aller à l’encontre des règles typographiques et privilégier une apostrophe droite plutôt que courbe (je ne peux pas montrer la différence sur Medium car l’éditeur applique justement systématiquement cette règle et ne me permet pas d’apostrophe droite 😅).

Pire encore, les apostrophes tant droites que courbes déclenchent la plus mauvaise traduction de tout notre test ! Le résultat est en effet « thanks to all of the contributors », soit re-traduit en français « grâce à tou‧te‧s les contributeur‧trices » et non « merci à tou‧te‧s les contributeur‧trices » 😦

Je ne peux donc que déconseiller l’usage de l’apostrophe pour l’écriture inclusive. Merci Agathe pour cette opportunité !

Comparaison des apostrophes et variantes

Utilisation

Bon, génial, on a donc un caractère qui répond à tous nos critères et clairement tout le monde devrait l’utiliser 😜 Mais comment faire ? Si les gens utilisaient autre chose que le point médian, c’est parce qu’un slash ou un tiret sont bien plus simples à faire apparaître avec un clavier, alors ton point d’hyphénation, comment on va s’en servir ?

Remplacement automatique de caractères

Les principaux systèmes d’exploitation fournissent un moyen de remplacer automatiquement les caractères.

macOS

Préférences système macOS : Clavier

Sur macOS, il suffit d’aller dans « Préférences Système » → « Clavier » puis d’ajouter un remplacement avec le bouton +. J’utilise personnellement « -es », qui est simple à taper et une habitude existante d’écriture inclusive, pour le remplacer par « ‧e‧s ». Si je tape « venu-es », je me retrouve avec « venu‧e‧s ». On peut facilement créer d’autres variantes communes, comme « tou-es » pour « tou‧te‧s ».

Encore plus simple : à partir de macOS Sierra, vous pouvez simplement télécharger ce fichier et le glisser-déposer dans la liste des substitutions pour toutes les installer sans avoir à les saisir !

Installation du fichier de substitutions épicène sous macOS

iOS

Sous iOS, cela se fait dans Préférences → Général → Clavier → Remplacement. Mais si vous avez un compte iCloud synchronisé avec votre Mac, rien à faire, vos remplacements sont partagés et déjà ajoutés !

Windows

Pour Windows, l’outil Clavier + permet d’associer un raccourci clavier simple à tout caractère, par exemple ^-⌥-. pour sortir un point d’hyphénation.

Merci à nouveau à Agathe pour cette recommandation !

Autres systèmes

Vous savez faire cela avec votre système d’exploitation préféré ? Répondez à ce post ou contactez-moi par mail pour compléter cet article 😃

Dans le titre de cet article

Vous êtes sur une machine qui ne vous appartient pas, vous voulez quand même utiliser le point d’hyphénation ? Il est tout en haut, dans le titre de cet article 😉 et tant qu’à faire, le voici à nouveau : ‧

Par Simonie !

Pour rappel, ce petit pas d’incarnation de l’égalité de genre dans la langue écrite n’a pas vocation à être utilisé systématiquement : n’oubliez pas que les formulations épicènes telles que « personnes » ou « élèves », ou encore l’infinitif, seront toujours plus lisibles et simples que « participant‧e‧s » 😉

J’espère que ces outils vous permettront d’utiliser plus facilement et plus lisiblement l’écriture inclusive, et de faciliter ainsi son acceptation 🙂

Bonne année à tou‧te‧s ! 🎉

Cet article et le code source sont fournis sous licence libre, vous pouvez les réutiliser comme vous le souhaitez tant que vous n’empêchez pas les autres de faire de même et que vous indiquez mon nom. Si vous y avez trouvé de la valeur, partagez-le et cliquez sur le bouton 👏, cela le rendra plus visible et me flattera 😉

Edit 7 avril 2020 : ajout des apostrophes.
Edit 23 janvier 2021 : ajout de Clavier+.
Edit 1 décembre 2022 : mise à jour des liens suite à l’abandon du domaine epicene.info.

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Matti Schneider (FR)
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Written by Matti Schneider (FR)

Ingénieur transdisciplinaire nomade. Services publics numériques @OpenFisca. Lead @AgileFrance. Ex Core @BetaGouv @MesAides @GovtNZ. Compte 🇫🇷 de @matti_sg.

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